Bienvenue dans ce carnet botanique n°2 d’avril 2025.
Ce carnet a pour vocation de créer un espace d’expression dans lequel je partage mes rencontres avec le vivant, mes questionnements, ainsi que le cheminement de cette reconnexion à la nature que j’essaie d’opérer. Il est un moyen d’engager cette exploration, d’apprendre en partageant.
Le jardin alpin du jardin botanique
Cela fait maintenant trois ans que je me suis installée à Lyon, non loin du jardin botanique. Au sein de ce jardin se trouve un jardin alpin, ouvert seulement le matin, dans lequel je ne me suis jamais rendue… C’est vous dire que je ne suis vraiment pas la meilleure des élèves ! Or, à chaque balade dans le parc, ce jardin me faisait de l’œil. Je le regardais de loin, accusant ma fainéantise. C’est pourquoi, un beau jour du début du mois d’avril, je décidai de remédier à cette paresse matinale qui avait trop duré. Je m’y rendis un matin, pour y admirer ces fleurs des milieux rudes, évoluant dans des conditions climatiques contraignantes et difficiles.

Je les ai toujours admirées, ces fleurs des rocailles. Elles me procurent une sensation de force et de beauté dans la dureté. Pour moi, elles symbolisent que la vie, empreinte de délicatesse et de finesse, peut émerger dans la sécheresse. Synonymes de résilience et d’adaptation, elles nous enseignent la possibilité d’évoluer et de persister là où tout semble aride, où tout laisse à penser que cela ne vaut pas le coup… Là où tout paraît vide, elles s’érigent et nous disent : » tu vois ? c’est possible ! » Elles nous invitent à rassembler les cailloux et les éclats de roche en nous, pour en faire quelque chose de beau et de fort. Elles me procurent cette idée d’acceptation et d’ancrage dont j’ai tant besoin.
Ce jour-là, j’ai pris le temps de faire leur connaissance, de les toucher, voire de les caresser. Je vous avoue ne pas avoir été très à l’aise d’exercer ce toucher floral devant les yeux des promeneurs. Cela dit, je me suis vite rappelé que : premièrement, personne ne me regardait vraiment ; deuxièmement, si quelqu’un m’observait toucher les feuilles les yeux fermés… et bien, c’était tant mieux !


Pour éviter de m’éparpiller (une fâcheuse habitude), je me concentrai sur une famille que je commence à connaître : Les Brassicacées. C’est ainsi que je me dirigeai vers L’Iberis toujours vert (Iberis sempervirens). Trois semaines plus tard, que me reste-t-il de ce souvenir ? Je me rappelle affectionner le toucher de ses douces pétales en forme d’ailes et sa tige anguleuse. La couleur blanche et la forme de ses inflorescences me séduisirent, et par son appellation, je sus que c’était une vivace.
AAprès avoir apprécié ce blanc immaculé, je me tournai vers le jaune solaire de l’Alysse des montagnes. Ici, la sensation au toucher était très différente de celle de l’Iberis. Je passai de la douceur délicate à une sensation plus duveteuse et ronde. Je me souviens encore de la multitude de petites fleurs molletonnées sous mon pouce. D’une certaine manière, elles se ressemblent, tout en ayant deux personnalités très différentes : l’une évoque la soie, les belles étoffes des cérémonies amoureuses ; l’autre, un pull doux et réconfortant.


Je me contentai de ces deux rencontres. Deux rencontres si intimes dans la même journée, c’est déjà bien !
L’herbe à robert battant le pavé
En rentrant des courses, j’aperçus sur le bas-côté de nombreuses fleurs roses. En pleine rue, avec un nombre de passants raisonnable, je m’accroupis pour saluer cette plante et tenter de l’identifier. Ce fut rapide, mais qui voilà ? Mon vieux Robert ! Pas de doute, c’était bien elle. Comment hésiter devant cette tige nuancée de pourpre ? Je m’arrêtai au pied de l’arbre qui l’ombrageait et pris le temps de l’observer. Je l’aime bien, cette petite plante de la famille des Géraniacées.


Elle embellit cette rue bétonnée et maussade, apparaissant comme une petite pointe de peinture éclatante. Tandis que je la photographiais, un passant s’interrogea sur mon geste. Ce n’est pas commun les personnes s’arrêtant au milieu du trottoir pour regarder les plantes. Cela me rappela un passage d’Amélie Poulain, où l’enfant dit : “ Monsieur, quand l’Homme pointe le ciel, l’imbécile regarde le doigt”. Mais à cet instant, ce ne fut pas vraiment le cas. Le passant regarda dans la direction que j’observais, et je compris que parfois, le premier pas consiste simplement à regarder avec attention.
Les rencontres sur mon lieu de travail
Mon lieu de travail se trouve au beau milieu des Monts du Lyonnais, dans un espace boisé, coupé de tout. Quel bonheur ! En ce mois printanier, après avoir mangé, je partis pour une balade digestive en sachant que je ne serais pas seule. J’avais vu juste : je retrouvai le vieux robert, encore une fois, la Stellaire holostée, la colorée Pulmonaire Officinale et ce bon Lamier pourpre…Tous semblaient s’être donné rendez-vous. Une sorte de réunion florale à laquelle je fus conviée quelques instants.
Je ne parle pas encore assez bien le langage des fleurs – “et des choses muettes” -pour citer Baudelaire – mais je compris que, vue la proximité de ces plantes entre elles, elles décidaient d’un commun accord de l’espace qu’elles occupaient, au moins ce printemps. Je les remerciai de s’être donné rendez-vous toute au même endroit et partis de nouveau à mes affaires.


Conclusion du carnet botanique n°2
Ce mois-ci, je n’ai pas fait de botanique « pure » : je n’ai pas appris le nombre exact de pétales ni la forme précise des feuilles. Et pourtant, j’ai été nourrie de nombreuses senteurs et de rencontres qui ont embellie ma journée. J’ai reconnu dans la rue plusieurs amies et retenu le nom de deux d’entre elles. Je me rappelle aussi de la Ficaire verna et de la Nivéole de printemps du mois précédent.
Mais ce que j’ai surtout appris, c’est à prendre le temps, à toucher et à ressentir.
Plantes de l’article
- Ibéris toujours vert – Iberis sempervirens – Brassicacées
- Alysse des montagnes – Alyssum montanum – Brassicacées
- Géranium Herbe à Robert – Geranium robertanium – Geraniacées
- Pulmonaire officinale – Pulmonaria officinalis – Boraginacées
- Stellaire holostée – Stellaria holostea – Caryophyllacées
Pour aller plus loin…
Pour lire le premier carnet botanique de l’Archipel d’Amarok, clique ici : Carnet botanique n° 1 – Mars 2025
